A la Une: l’Eglise catholique congolaise en première ligne
Par Fréderic Couteau
Trois jours après les violences du 31 décembre à Kinshasa et dans d’autres villes de la RDC, Le cardinal Monsengwo, chef de l’Eglise catholique dans le pays, a haussé le ton hier.
« Nous ne pouvons que dénoncer, condamner et stigmatiser les agissements de nos prétendus vaillants hommes en uniformes qui traduisent malheureusement, et ni plus ni moins, la barbarie », a déclaré le cardinal, avant de poursuivre : « Comment ferons-nous confiance à des dirigeants incapables de protéger la population, de garantir la paix, la justice, l’amour du peuple. Il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systémique, que les médiocres dégagent et que règnent la paix, la justice en RDC ».
Propos rapportés par Cas-Info, l’un des rares sites d’information congolais disponibles sur internet. Cas-Infoqui souligne que Mgr Monsengwo est « la voix la plus écoutée du pays depuis la disparition de l’opposant Étienne Tshisekedi. »
Interrogé par Le Monde Afrique, l’historien Isidore Ndaywel, membre du Comité laïc de coordination, organisateur de la manifestation de dimanche dernier, en est convaincu : « Ce n’est qu’un début, affirme-t-il, car on ne se laissera pas faire. Le peuple a compris qu’il devait prendre son destin en mains, et pas seulement par des discours. Il y a eu une prise de conscience ». La mobilisation des catholiques, note Le Monde Afrique, rappelle la « marche des chrétiens » du 16 février 1992, qui demandait la démocratisation du Zaïre. « Le régime du président Mobutu l’avait alors réprimée dans le sang. »
L’Eglise principal contre-pouvoir…
Ledjely en Guinée se félicite de l’implication de l’Eglise catholique.
« La nature ayant horreur du vide, il était attendu qu’un autre contre-pouvoir émerge en République démocratique du Congo, pour supplanter l’inefficacité sinon la démission de l’opposition. Cependant, on était loin de penser que ce nouvel espoir viendrait de l’institution religieuse, très friande de sa neutralité classique. Encore que dans ce pays, les prélats ont l’habitude de ne pas opposer de l’indifférence à la souffrance de la population. Même si après le flop de l’accord de la Saint-Sylvestre qu’ils avaient arraché au forceps, Monseigneur Monsengwo et les autres, plutôt échaudés d’avoir été instrumentalisés par Joseph Kabila et les siens, étaient méfiants ces derniers mois. Mais avec la répression dont les fidèles ont été l’objet dimanche dernier et la profanation de quelques lieux de culte par les forces de l’ordre, l’Eglise sort de sa réserve. Et avec elle, conclut Ledjely, renaît l’espoir contre le monstre qu’est le pouvoir congolais. »
Enquête conjointe ?
Pour leur part, les autorités de Kinshasa tentent de jouer l’apaisement. Ainsi, rapporte le site d’information congolais Actualité.CD, « Marie-Ange Mushobekwa, ministre des Droits humains, qui a échangé hier à huis clos avec les ONG de défense des droits de l’homme, se dit prête à enquêter avec ses collaborateurs sur les violences du 31 décembre. »
L’un de ceux qui a rencontré la ministre hier, poursuit Actualité.CD, « Georges Kapiamba, président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice, dit détenir des preuves des violations des droits de l’homme commis par les forces de l’ordre et de sécurité pendant la marche organisée par le Comité Laïc de Coordination de l’Eglise catholique. "Nous sommes disposés à enquêter, affirme-t-il, avec le ministère des Droits humains. Et nous avons dit à la ministre que l’enquête devra être indépendante", a martelé Georges Kapiamba. »
Et l’armée ?
En tout cas, pour une large part de la presse ouest-africaine, le président Kabila a désormais le dos au mur… C’est ce qu’affirme notamment Le Pays au Burkina, habituel pourfendeur du président congolais : « que va-t-il se passer maintenant que Joseph Kabila a réussi faire l’unanimité contre lui, sortant de sa torpeur calculée l’Eglise catholique ?, s’interroge le quotidien ouagalais (…) Arrivera-t-il à trouver une lucarne de sortie face à un peuple qui en a marre d’être le souffre-douleur de forces de défense à la solde d’un président assoiffé de pouvoir ? La grande équation, dans ce climat socio-politique chaotique, demeure en effet l’armée, relève Le Pays, qui continue de soutenir un régime qui n’a plus aucun respect pour la vie humaine. (…) Il est temps maintenant, exhorte le quotidien burkinabè, que les militaires prennent leur responsabilité pour protéger les brebis contre le loup imposteur. »